Entretien avec Marie Chantal Uwitonze, Directrice du Réseau de la diaspora africaine en Europe (ADNE)
01/04/2019

Le réseau ADNE est une organisation faîtière de la diaspora africaine en Europe dont l’objectif premier est d’aider les membres (organisations/associations, entreprises, personnes physiques) à parler d’une seule voix auprès des décideurs politiques et ce, sur les questions d’intérêt commun pour l’Europe et l’Afrique. ADNE est devenue l’interlocuteur légitime de l’Union européenne, l’Union africaine, des pays africains, des ambassades africaines, du secrétariat ACP, des agences gouvernementales et des organisations internationales.  ADNE promeut l’intégration des membres de la diaspora africaine dans leurs pays d’accueil et leur offre une plateforme de dialogue constructif et de partage de connaissances de façon à les autonomiser et à soutenir leurs efforts pour le développement durable de l’Afrique. En tant que tel, ADNE encourage une plus grande implication des Africains dans la construction de l’avenir de l’Afrique et de l’Europe.

Marie Chantal Uwitonze, directrice du Réseau de la diaspora africaine en Europe (ADNE), nous donne un aperçu de l’initiative ADNE, des domaines d’intervention et des liens avec les secteurs de développement agricole et rural en Afrique

Pourquoi cette initiative, comment est-elle née?

Le réseau de la Diaspora Africaine en Europe (African Diaspora Network in Europe) est né pour pallier la faible implication des diasporas dans la conception et la mise en œuvre des politiques de développement. Ensuite, il était important de combattre la stigmatisation de la migration et des africains vivant en Europe. Beaucoup de personnes en Europe confondent les réfugiés, les migrants économiques, les personnes venues faire leurs études en Europe et ceux qui travaillent dans leurs pays d’accueil comme experts.
En tant qu’acteurs de développement, les Diasporas ont un énorme potentiel inexploité en matière de création d’emplois et de renforcement de capacités, d’entrepreneuriat, de financement du développement, de transfert de connaissance, de compétences et des technologies.
Vous le savez, les envois de fonds de la diaspora sont plus importants que l’aide publique au développement (plus de 60 milliards USD par an). Or la Diaspora reste marginalisé en tant qu’acteurs. Les enjeux auxquels font face nos deux continents exigent de ne laisser personne à la traîne. Il faut associer les diaspora a la recherche des solutions durables.
Dans ce sens, notre organisation vise à créer des outils pour créer des synergies et mener un dialogue structuré avec les autres partenaires de développement dans les pays d’accueil et dans les pays d’origine.

Domaines d’intervention, enseignements tirés et plans futurs :

Beaucoup de personnes de la diaspora veulent lancer des projets de développement durable dans leur pays d’origine mais il n y a pas assez d’instruments pour faciliter cette contribution.
Il faut accompagner ceux qui veulent repartir en les aidant à se connecter aux écosystèmes locaux pour créer des synergies, investir, joindre une entreprise ou une administration etc.
Nous œuvrons à créer une dynamique d’accompagnement de ces initiatives et à faciliter les échanges entre la diaspora et les institutions des pays d’origine comme ceux des pays d’accueil.
Nous sommes membres du Policy Forum on Development plateforme mise en place par la Commission européenne pour faciliter la concertation avec la société civile et les autorités locales. Nous militons pour une meilleure implication des diasporas dans la conception et la mise en œuvre des politiques de développement.
Depuis la création de notre réseau en 2015, beaucoup des diasporas s’intéressent à ce qui se passe au sein des institutions. Les institutions européennes font également des efforts. Entre notre première déclaration au Sommet de la Valette sur la Migration et aujourd’hui, il y a eu un grand changement dans le paysage des relations entre l’Union européenne et les diasporas. Beaucoup de recommandations de cette déclaration ont trouvé un écho positif, bien que tardivement, auprès de l’Union européenne. La Commission européenne a adopté en 2018 un instrument de financement de projets de la Diaspora (Facility for Diaspora) pour soutenir la création de plateformes collaboratives facilitant la participation de la Diaspora dans le développement. C’est une des recommandations contenues dans la déclaration de 2015
Notre combat a toujours été d’abolir la barrière qui sépare des Diasporas et les institutions publiques au niveau des pays mais aussi au niveau de l’Union européenne et de l’Union africaine. Le fait que le Parlement européen ait patronné officiellement le lancement de la semaine de la diaspora et qu’il ait accueilli en son sein les membres de la diaspora venus de partout en Europe est très significatif.

Pourriez-vous mettre en évidence des liens spécifiques avec les secteurs de développement agricole et rural en Afrique?

L’agriculture est un secteur avec un énorme potentiel pour le développement durable en Afrique. Que ce soit pour la création de l’emploi, pour l’industrialisation et pour la sécurité alimentaire, ce secteur est un vecteur de croissance durable, de développement rural et d’autonomisation de femmes et des jeunes La Diaspora joue un rôle important dans le développement des chaines de valeur agricoles et dans la professionnalisation des métiers agricoles ainsi que dans l’introduction des nouvelles technologie dans ce secteur.
A titre d’exemple de succès, une jeune femme de la Diaspora malienne en France, Aissata Diakité a créé une entreprise, Zabbaan Holding, pour la transformation de fruits en jus. L’entreprise mise a développé une stratégie de développement local en intégrant les agriculteurs locaux dans le développement de l’entreprise. Ils ont intégré dans les discussions sur l’évolution de l’entreprise pour enrichir les filières agricoles avec des techniques de productions performantes et innovantes. L’entreprise emploi également beaucoup de femmes ruraux tout au long du processus de culture, de récolte et de transformation.
Beaucoup de membres de la diaspora ont acquis des compétences dans le domaine agricole et de l’agrobusiness en Europe. Ils jouent un rôle important dans le transfert de connaissances mais aussi dans la déstigmatisation de ce secteur dont les jeunes semblent se désintéresser du fait de son faible développement en Afrique.
La diaspora peut être le moteur le développement de ce secteur important pour créer des emplois et des entreprises afin fixer les jeunes dans les zones rurales et lutter ainsi contre la migration clandestine.
Au niveau de l’ADNE, lors de l’édition 2018 de la semaine de la Diaspora, nous avons consacré un atelier au thème de « Innovations de la diaspora pour la productivité et la durabilité de l’agriculture en Afrique. » Il y a de riches expériences pouvant être mis au profit des communautés rurales notamment en rapport avec les techniques innovantes pour la maitrise de l’eau et développement de la petite irrigation locale, la transformation des produits du terroir, la maîtrise de la chaîne de valeur pour plus de valeur ajoutée, l’utilisation des nouvelles technologies dans l’agriculture.
Rôle de la Diaspora dans le Post-Cotonou
Les diasporas connaissent les cultures et les contextes sociaux de leur pays d’origine. Ils maîtrisent également plusieurs compétences obtenues en Europe. Ils peuvent participer de façon constructive au dialogue et à l’élaboration de politiques de développement. Le future cadre de partenariat ACP -UE doit tenir compte de cet atout et valoriser ce potentiel inexploité.
En dehors du fait qu’il faut viser plus d’efficacité en mettant en place un cadre adapté aux réalités et à la diversité de l’ensemble ACP, il est important de prévoir des mécanismes de consultation de tous les acteurs y compris la Diaspora et la société civile d’une manière générale. Pour cela il faut créer des instruments adéquats afin de sortir du « business as usual ».

BIOGRAPHIE

Marie Chantal Uwitonze a la double citoyenneté rwandaise et belge. Elle est directrice générale de MACH Consulting; un cabinet de conseil spécialisé dans les relations entre l’Union européenne et l’Afrique, notamment en ce qui concerne le financement du développement et les investissements stratégiques.
Marie Chantal Uwitonze a fondé le Réseau de la diaspora africaine en Europe ( African Diaspora Network in Europe-ADNE), une organisation qui regroupe les associations de la diaspora africaine afin de mobiliser et d’impliquer les Africains de la diaspora dans le développement du continent africain.

Elle est également Directrice de BEES 55 (Boost Employability and Entrepreneurship Skills ), une entreprise basée à Kigali, au Rwanda visant à mobiliser un réseau de solidarité local et international afin de mettre en synergie compétences et initiatives au service de l’emploi et de l’entrepreneuriat en Afrique.
Marie Chantal Uwitonze est engagée en Afrique et en Europe pour l’autonomisation de la femme et l’égalité des sexe. Elle est membre du conseil d’administration de «Women in Africa Initiative», une plateforme dédiée au développement économique et au soutien des femmes africaines de premier plan et à fort potentiel.

Passionnée de l’écriture, Marie Chantal Uwitonze a publié de nombreux ouvrages et articles sur le partenariat UE-Afrique, la gestion de ressources naturelles et sur le développement professionnel. Son livre « Union européenne, acteur du maintien de la paix en Afrique: succès et limites d’un engagement » publié en 2014 est devenu une référence pour les universités et tous ceux qui souhaitent comprendre les questions de paix et de sécurité en Afrique.

Marie Chantal Uwitonze a publié, en 2017, le livre « Les Clés d’un parcours réussi », une inspiration pour les jeunes et les femmes.

Marie Chantal Uwitonze a travaillé pendant plus d’une décennie avec différentes institutions internationales notamment, le Fonds des Nations unies pour la population, le Parlement européen (Conseillère en charge de la commission développement et de l’assemblée parlementaire ACP-Union européenne auprès du Ministre d’Etat et député européen Louis Michel), le Programme des Nations Unies pour le développement etc.

Marie Chantal Uwitonze est titulaire d’un Master en Relations internationales, d’un Master en Développement, environnement et société obtenus de l’Université Catholique de Louvain en Belgique. Elle est également diplômée en Droit International et Diplomatie de l’Ecole Nationale d’Administration d’Alger.

Twitter : @mc_chantal, @mach_consulting, @AdnEurope, @bees55africa
LinkedIn: http://www.linkedin.com/in/mariechantaluwitonze/

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