30/04/2019

Henrique BANZE, Sous Secretaire General– Macroeconmie, Financement du Developpement et Programmation Intra-ACP nous donne un aperçu du engagement du groupe des états d’Afrique, des Caraìbes et du Pacifique dans la Cooperation Sud-Sud et Triangulaire, les principales avancées réalisées dans de domaine et les perspectives d’avenir.

ASG Banse

Entretien

Le Groupe des États ACP et le Secrétariat ACP qui soutient son travail promeuvent la coopération entre l’Afrique, les Caraïbes et le Pacifique. Pourriez-vous nous en dire plus sur l’engagement du Groupe des États ACP dans la coopération Sud-Sud et triangulaire ainsi que sur les principales avancées réalisées dans ce domaine ?

Permettez-moi de commencer par présenter brièvement le Groupe des États ACP.

 Le Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Groupe ACP) en un coup d’œil

Le Groupe des États d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (Groupe ACP) a été institué en juin 1975 par l’Accord de Georgetown. Cette organisation et son fonctionnement sont fondés sur des valeurs d’unité, de solidarité et de compréhension entre les peuples.

Le Groupe ACP s’est élargi au fil du temps et comprend aujourd’hui 79 États membres en développement situés en Afrique, dans les Caraïbes et dans le Pacifique.

Le Groupe entretient une relation de longue date avec l’Union européenne (UE), à travers un partenariat régi par une série d’accords de coopération depuis 1960. L’accord de Cotonou, qui régit actuellement le partenariat ACP-UE, a été signé en 2000 et repose sur trois piliers :

  • la coopération au développement ;
  • la coopération économique et commerciale ; et
  • la coopération politique (le dialogue politique).

Le Groupe ACP poursuit, à travers la coopération et le dialogue, les objectifs généraux suivants :

  • réduire et éradiquer la pauvreté conformément aux objectifs de développement durable (ODD) ;
  • intégrer progressivement les pays ACP dans l’économie mondiale ;
  • promouvoir et renforcer la solidarité entre ses États membres ;
  • encourager les relations économiques, commerciales et culturelles entre les États ACP via le partage d’informations ;
  • contribuer à promouvoir la coopération régionale et interrégionale ; et
  • promouvoir un nouvel ordre économique mondial.

L’engagement du Groupe ACP à l’égard de la coopération Sud-Sud et triangulaire (CSST)

 Les caractéristiques du Groupe ACP, notamment sa diversité, et les objectifs que j’ai mentionnés plus haut favorisent naturellement et justifient son engagement à l’égard de la coopération Sud-Sud et triangulaire. Le Groupe dispose d’un potentiel considérable en matière de partage de connaissances, d’expériences et de bonnes pratiques entre ses régions et États membres, ainsi qu’avec d’autres pays et régions du Sud. Ces caractéristiques sont des atouts de taille pour la coopération en général, et pour la coopération Sud-Sud en particulier.

D’un point de vue politique, le Groupe ACP appuie résolument la CSST. Les chefs d’État et de gouvernement ACP ont pris conscience de sa valeur ajoutée. Lors des 7eet 8e Sommets, les chefs d’État et de gouvernement ACP ont mis en évidence le rôle actif et la contribution de la CSST pour renforcer les capacités par l’intermédiaire du partage de solutions et d’expériences en matière de développement. Ils ont demandé la création d’une institution ACP chargée de s’occuper systématiquement des questions de coopération Sud-Sud et de tirer parti de la vaste expérience et des nombreuses connaissances et bonnes pratiques dont dispose le Groupe.

Cette vive ferveur politique et la nécessité de mieux comprendre la CSST sont devenues cruciales pour l’engagement des pays ACP et ont poussé le Groupe ACP à réfléchir aux principaux facteurs qui lui permettraient de contribuer efficacement à la CSST. En mettant l’expertise, les expériences et les solutions en matière de développement à la disposition de la coopération au développement, la CSST innove et promeut la cohérence de l’engagement mondial à mettre en œuvre les ODD.

Activités de CSST

Le Groupe ACP possède une vaste et riche expérience dans le domaine de la coopération au développement Nord-Sud (CNS) et a toujours soutenu la collaboration Sud-Sud. Le Groupe s’est volontairement engagé dans la CSST, parallèlement à la CNS, afin de combler les lacunes de cette dernière. Cependant, au cours des huit dernières années, la CSST a gagné en importance dans le programme de travail du Groupe ACP. Le Groupe a participé à des conférences internationales et a organisé une série de symposiums et de réunions sur la CSST, en démontrant ainsi son intérêt pour cette modalité innovante de coopération au développement.

Les enseignements tirés des résultats et des conclusions de ces réunions ont abouti à l’établissement d’un Centre d’information ACP pour la CSST, dans une perspective à long terme. En résumé, les différentes activités menées sont les suivantes :

 Premier symposium : Symposium ACP-OIF sur le renforcement de la coopération Sud-Sud : défis et opportunités pour le Groupe ACP

Organisé en janvier 2011 en collaboration avec l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ce premier symposium portait sur le renforcement de la coopération Sud-Sud et s’est concentré sur les défis et les opportunités pour le Groupe ACP. Il a fourni un cadre pour établir un dialogue ouvert et constructif et assurer le partage d’expériences entre les différentes parties prenantes ACP et non ACP.

Ce symposium a contribué à :

Sensibiliser aux principaux problèmes de la coopération internationale au développement du point de vue des bailleurs de fonds habituels et nouveaux ;

Explorer les possibilités de participation concrète du Groupe ACP aux programmes de coopération Sud-Sud et triangulaire ; et

Poser les jalons pour le développement de la coopération Sud-Sud et triangulaire.

Ce premier symposium a reconnu que la coopération Sud-Sud (CSS) constituait une réalité tangible, qui pourrait même créer de nouveaux domaines de coopération au développement. Trois pistes de réflexion ont été définies en vue de mener une étude analytique sur la CSS, concernant :

  • sa valeur ajoutée et sa contribution au développement ;
  • son efficacité pour réaliser les objectifs de développement ; et
  • sa complémentarité avec la coopération Nord-Sud.

Deuxième symposium : Symposium ACP sur la coopération Sud-Sud et triangulaire

Le deuxième symposium, organisé en 2014, a fait suite au premier en fournissant une base de données pour l’analyse de la CSST et l’élaboration de politiques relatives à la coopération Sud-Sud et triangulaire.

Sur la base des conclusions, le Groupe ACP cherche à se positionner en tant que pôle de connaissances et plateforme pour la recherche et le partage des bonnes pratiques. Il sert également d’intermédiaire pour rationaliser les initiatives actuelles, ainsi que d’interface de facilitation entre l’offre et la demande pour la coopération Sud-Sud et triangulaire.

En tant que facilitateur de la coopération Sud-Sud et triangulaire pour les pays ACP et les fournisseurs de coopération, le Groupe ACP a pour mission de repérer les possibilités de CSST et d’appuyer le travail de développement mené par les États membres par l’intermédiaire de la CSST.

Troisième symposium : Symposium ACP-OIF-COMSEC-FAO-CPLP sur la coopération Sud-Sud et triangulaire pour encourager l’autonomisation des femmes et l’entrepreneuriat chez les jeunes

Le Secrétariat ACP et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), soutenus par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), le Secrétariat du Commonwealth (COMSEC) et la Communauté des pays de langue portugaise (CPLP), ont organisé un troisième symposium sur la CSST, portant sur le thème du « Développement rural intégré : renforcer l’autonomisation des femmes et des jeunes par l’emploi et l’entrepreneuriat », via le partage de connaissances et d’expériences.

Ce symposium a mis en évidence des solutions et des expériences de développement d’actualité dans les pays ACP qui concernent l’autonomisation des femmes et des jeunes dans les zones rurales par l’emploi et l’entrepreneuriat. Il a recommandé le partage des bonnes pratiques à travers la coopération Sud-Sud et triangulaire, sur la base d’une analyse des avantages comparatifs.

Ce symposium a atteint les objectifs spécifiques suivants :

  • mise en évidence de l’importance de la coopération Sud-Sud et triangulaire en tant qu’approche de la coopération au développement en vue de promouvoir l’autonomisation des femmes et des jeunes ;
  • recensement des domaines prioritaires et partage des bonnes pratiques pour promouvoir l’autonomisation des femmes et des jeunes par l’emploi et l’entrepreneuriat ;
  • définition de mécanismes via lesquels la coopération Sud-Sud et triangulaire peut appuyer l’échange et le transfert des bonnes pratiques ; et
  • élaboration d’un plan d’action pour l’apport d’un soutien aux programmes de coopération Sud-Sud et triangulaire par le Groupe ACP.

Principales réalisations dans le domaine de la coopération Sud-Sud

En ce qui concerne les réalisations, il convient de souligner quatre avancées importantes :

  • la prise de conscience et la reconnaissance de l’importance et de la valeur ajoutée de la coopération Sud-Sud par les États membres, et la promesse de poursuivre cette coopération ;
  • l’institutionnalisation de la coopération Sud-Sud via son intégration dans le Plan stratégique de gestion du Secrétariat ACP pour 2017-2020, sous la forme de l’un des six objectifs stratégiques. Le but recherché est la stimulation de la coopération Sud-Sud et triangulaire entre les pays ACP afin de promouvoir le développement et la coopération intra-ACP. Les résultats escomptés sont, entre autres : i) l’intégration de la CSST dans les projets et programmes ACP ; ii) le renforcement des partenariats entre le Secrétariat ACP et les institutions multilatérales et bilatérales concernant la CSST ; iii) l’organisation, tous les deux ans, d’un symposium sur la CSST dans la région ACP ;
  • la création d’un Centre d’information ACP pour la coopération Sud-Sud et triangulaire. Lors de sa 108esession, en décembre 2018, le Conseil des ministres ACP a institué le Centre d’information ACP pour la coopération Sud-Sud. Ce centre est établi en Guinée équatoriale et son siège se trouve à Malabo. Les principaux objectifs de ce centre sont les suivants : i) promouvoir la coopération Sud-Sud et triangulaire entre les pays ACP et autres ; ii) encourager le partage des enseignements tirés des réussites et l’échange des expériences, des connaissances et de l’expertise technique pertinentes, créer des outils d’apprentissage en recueillant des avis qualitatifs et assurer des réplications adaptées ; iii) créer des conditions équitables en matière d’information en permettant à tous les acteurs d’avoir accès à des informations valides, pertinentes et systématisées ; iv) nouer des partenariats entre le Centre ACP et d’autres organisations intergouvernementales et non gouvernementales, en particulier dans le Sud, ainsi qu’avec des instituts de recherche et d’enseignement universitaire, des entités internationales et nationales et des personnes intéressées qui ont obtenu des résultats avérés dans ce domaine ; et contribuer à la visibilité du Groupe ACP en améliorant son image auprès de publics clés dans le domaine de la CSST, en permettant à tous les pays ACP et groupes et personnes intéressés d’avoir accès aux publications du Centre ACP et aux résultats de ses publications ; et
  • la mise en place de partenariats avec des institutions et des pays actifs dans le domaine de la CSST, comme c’est déjà le cas avec le Bureau des Nations Unies pour la coopération Sud-Sud (UNOSSC), la FAO et le Brésil. D’autres organisations et pays ont déjà manifesté leur volonté de poursuivre la coopération avec le Groupe ACP.

Quelles sont les perspectives d’avenir pour la collaboration Sud-Sud et triangulaire ? Considérez-vous qu’il s’agit d’un élément clé pour les futurs travaux du Groupe ACP, et, si c’est le cas, dans quels domaines ?

Les perspectives d’avenir en matière de CSST sont encourageantes. Comme le mentionne la publication ACP-UNOSSC intitulée « La coopération Sud-Sud et triangulaire en action», concernant l’avenir du Groupe ACP après 2020, le document-cadre d’orientation « Vers le Groupe ACP que nous souhaitons » apporte des précisions sur la CSST et d’autres mécanismes clés pour concrétiser le Programme 2030, ainsi que sur la nécessité d’élaborer une stratégie qui favorise une véritable coopération entre les membres du Groupe ACP.

 Alors que les pays ACP, comme d’autres pays du monde, mettent déjà en œuvre le Programme global de développement durable à l’horizon 2030, ainsi que leurs stratégies et politiques de développement continentales, régionales, sous-régionales et nationales, le Groupe ACP se réjouit à l’idée de s’appuyer sur l’expérience et les connaissances de ses États membres et des pays non ACP ainsi que d’encourager encore davantage la CSST.

Dès lors, le but est de veiller à ce que le Groupe ACP joue le rôle de pôle et de facilitateur de la CSST. La création du Centre d’information ACP contribuera de façon significative à la réalisation de cet objectif ambitieux.

L’intérêt manifesté par plusieurs organisations et pays pour nouer des partenariats avec le Groupe ACP est un élément favorable important pour promouvoir encore davantage la CSST dans le cadre de coopération à long terme.

En résumé, pour le Groupe ACP, les futures actions à mener dans le domaine de la CSST consisteront à :

  • continuer à encourager la CSST entre les pays ACP pour promouvoir le développement et la coopération intra-ACP ;
  • créer des partenariats pour renforcer la coopération Sud-Sud, y compris entre des États membres, des organisations régionales et sous-régionales, des centres d’excellence, des organisations internationales, le secteur privé et des organisations de la société civile ;
  • continuer à organiser la série de symposiums pour approfondir les travaux sur la CSST ; et
  • rendre opérationnel le Centre d’information ACP pour la coopération Sud-Sud et triangulaire à Malabo.

 

BIOGRAPHIE

M. Henrique Alberto Banze a occupé pendant plus de  15 ans le poste de Vice-ministre dans  deux ministères clés au Mozambique, à savoir le ministère de la Défense nationale (2000-2004) et le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération (2005-2015). En tant que Vice-ministre des Affaires étrangères, il a été en charge des questions ACP et de la  coopération Mozambique-UE, contribuant de façon significative à la mise en œuvre de projets au titre du 8e Fonds européen du développement (FED) et assurant également un rôle prépondérant dans la planification et la programmation  des 9e, 10e et 11e FED. Il a exercé par ailleurs les fonctions d’Ordonnateur national du FED et collaboré activement à divers niveaux avec les agences des Nations Unies dans le cadre de la gestion de la coopération au développement avec des partenaires en Amérique du Nord et du Sud. 

M. Banze a apporté une contribution substantielle aux stratégies nationales de développement du Mozambique, siégeant dans des commissions ministérielles de grande envergure chargées de superviser les infrastructures et la mise en œuvre de programmes stratégiques ayant des répercussions à moyen et à long terme sur le pays. Il a prêté son concours pour l’élaboration de trois programmes quinquennaux du Gouvernement (2000-2014), de la stratégie de réduction de la pauvreté du Mozambique et de plans économiques et sociaux.

Comptable de profession, M. Banze a également servi dans l’armée de l’air comme pilote pendant 17 ans. Il est titulaire d’un Master en études sur la paix et le  développement de l’Université Gothenburg en Suède. En plus de trois langues mozambicaines, M. Banze pratique couramment le portugais, l’anglais, le russe et le français, et possède des connaissances de base en espagnol.